Les bons résultats du 1er semestre 2013 :
- Chiffre d’affaires : + 10% par rapport au 1er semestre 2012, traduisant des positions commerciales solides de Safran sur des marchés globalement porteurs, même si le secteur des hélicoptères et celui de la défense semblent offrir moins de perspectives de développement à court terme.
- Résultat opérationnel + 23%, soit 12% du CA (10,6% au 1er semestre 2012 et 10,8% pour l’exercice 2012)
- Résultat net : + 59% (y compris la plus-value de 131 M€ due à la cession de 12,5% du capital d’Ingénico).
La publication de ces chiffres, après ceux de 2012 déjà qualifiés de « record » par la DG Safran, est l’occasion de vous livrer notre analyse de la situation, des points forts mais également de fragilités qui se révèlent selon nous, et qui pourraient avoir des conséquences négatives.
CFE-CGC : Il faut développer encore et toujours la high-tech SAFRAN !
La première force de Safran est la compétence et l’expérience de ses salariés qui possèdent une palette de compétences high-tech très large, de l’énergétique aux matériaux, en passant par l’électronique et le logiciel, etc.
Safran a acquis des positions commerciales fortes sur des marchés concurrentiels difficiles dans l’aéronautique, la défense et la sécurité grâce au développement de produits et systèmes complets et optimisés.
La CFE-CGC, soutiendra toujours une politique d’investissement ambitieuse, dont notre Groupe a les moyens financiers, pour :
- renouveler nos gammes de produits et maintenir les positions Safran dans nos 3 secteurs d’activité : moteurs Leap, turbines, avionique et équipements optroniques pour hélico, équipements et systèmes pour l’A350, amélioration des techniques biométriques, propulsion spatiale, viseurs optroniques …
- pour positionner notre savoir-faire sur d’autres débouchés dans nos secteurs actuels : green-taxiing, turbopropulseurs, avion plus électrique, systèmes de navigation inertielle pour l’aéronautique civile, synergies défense-sécurité …
La CFE-CGC soutient également que nos compétences soient davantage appliquées à d’autres domaines. Cela permettrait notamment de se protéger d’une faiblesse des marchés de défense et d’un toujours possible retournement du cycle aéronautique. Par exemple, les activités dans le domaine des piles à combustible et la conclusion récente d’un accord de coopération avec Valeo (applications d’automatisation de conduite automobile) vont dans le bon sens. La valorisation de notre savoir-faire dans de nouveaux débouchés doit être poursuivie.
SAFRAN peut, et doit, être une des locomotives de l’industrie française. C’est l’ensemble de ces investissements dans nos métiers high-tech qui assurera l’avenir de Safran en maintenant son leadership et « sécuriseront » la bonne santé de l’entreprise et nos emplois de demain.
Une constitution des comptes très critiquable
Les résultats présentés par la direction financière intègrent une part, selon nous trop forte, d’activation des dépenses de développement.
Pour illustrer simplement, considérons un processus sur 2 périodes. La 1ère période (développement), on dépense 10€ en développement d’un programme donné, dont on attend 35€ de recette sur la 2ème période, pour 20€ de dépenses production + support. Un bénéfice final de 5€ est attendu.
Sans « activation », l’effet sur le résultat est de -10€ (développement autofinancé) sur la 1ère période et de +15€ sur la seconde (35€ - 20€). Il faut attendre le cours de la 2ème période pour commencer à « tirer » les 5€ de bénéfice du programme.
« L’activation » consiste à amortir les dépenses de développement sur la période future de production Cela augmente donc le résultat de la 1ère période de 10€. Si les recettes attendues au regard de la dépense initiale se réalisent comme prévu, on aura juste reporté à plus tard la prise en compte des dépenses.
Mais si un aléa important se produit en cours de la 2ème période, les recettes peuvent alors être inférieures aux prévisions. Le risque existe que les 5€ de résultat sur la période ne soient pas réalisés. Et en plus, une grande part ou la totalité des frais de développement restant à amortir peuvent devoir être comptabilisés d’un coup, générant une perte importante puisque pouvant atteindre 10€.
Pourtant, les comptes de la première période auront ’généré’ un résultat de 10€ qui en réalité n’existera pas, mais qui aura servi de base de distribution, un peu vers les salariés (participation -intéressement), mais surtout vers les actionnaires (dividendes en forte augmentation).
Et si ce type d’aléa survient avec pour conséquence un résultat en perte, la Direction dira qu’il faut prendre des mesures de redressement …
L’activation des comptes à Safran :
Les frais de développement immobilisés ont augmenté de 460 M€ en 2012 et de 264 M€ rien qu’au 1er semestre 2013, pour atteindre aujourd’hui un cumul de l’ordre de 2 Milliards d’€.
Ce niveau d’activation est atypique par rapport aux autres industriels de l’aéronautique.
Au printemps dernier, la CFE-CGC a sollicité la DG pour en discuter au sein des FCPE d’actionnariat salarié. La DG dit que l’activation des frais de développement représentera 1% du CA des exercices futurs (1 % du CA, c’est près de 15 % du résultat net tout de même).
Nous pensons, qu’en dépit du sérieux des « business plans », et sans vouloir être des oiseaux de mauvaise augure, il existe des risques d’aléas externes majeurs dans les 20 ans à venir (durée maximale pour amortir les frais de développement) ; par exemple une crise géostratégique impactant gravement le trafic aérien.
On a l’impression que la DG ne considère aucun risque d’aléas. C’est étonnant dans un groupe aéronautique où la gestion des risques est appliquée aux projets. Face à un risque à faible probabilité d’occurrence mais aux conséquences qui pourraient être gravissimes, la DG ne fait rien pour en anticiper les effets.
En soit, l’aléa redouté provoquerait des conséquences difficiles à gérer : baisse d’activité, de recettes … La reprise d’activation des dépenses viendrait s’y rajouter et en aggraver les conséquences potentielles en termes de déficit. Des mesures pour sauvegarder l’entreprise, devraient alors être prises, passant peut-être par des suppressions d’emplois. C’est là le risque : accentuer une possible situation industrielle difficile future par un choix financier de court terme.
Le but n’est pas de se faire peur avec un scénario d’avenir sombre. Mais notre conviction est que la bonne santé de Safran ne justifie pas une telle prise de risque en « gonflant artificiellement » les comptes, quand bien même les normes IFRS l’autorisent.
La CFE-CGC demande de modifier les règles d’activation à Safran en en plafonnant les montants. Les actionnaires sans lendemain s’en plaindront peut-être. Ceux qui comptent le rester pour le long terme y gagneront en final, notamment les salariés actionnaires, de même que tous les salariés.
La structure de l’actionnariat de Safran évolue
En 5 ans, l’Etat est passé de 30 à 27% du capital ; les salariés de 20 à 15%, le flottant de 50 à 58 %.
Et dans le flottant, il y a un forte montée des fonds d’investissement et de pension américains et anglais. La DG indique qu’ils sont passés en 5 ans de 13 à 40 % du capital de Safran.
Leur stratégie est typiquement de réaliser des gains à court terme (3 ans). Donc, ils demandent l’augmentation des dividendes sans se soucier du développement à long terme comme l’a déjà fait en 2012 un fonds actionnaire de Safran. La CFE-CGC avait alors dénoncé cette démarche court-termiste et à vocation spéculative.
On ferme la boucle en constatant que l’activation des frais de développement (entre autres choses) conduit à augmenter le bénéfice affiché qui est ensuite largement distribué sous forme de dividendes, contribuant à son tour à faire augmenter le cours de l’action Safran.
Et c’est ensuite l’augmentation du cours de l’action qui est pris comme un des prétextes pour justifier des dividendes encore plus élevés … c’est une fuite en avant qui ne correspond pas à notre vision.
Nous ne voulons pas confondre amélioration de la performance, gains de marchés, compétitivité avec cela. Nous ne voulons pas que cette fuite en avant se fasse au prix d’une prise de risque inacceptable pour l’avenir du Groupe et de ses salariés … au détriment de l’emploi industriel en France par des délocalisations supplémentaires… par des réorganisations pas toujours justifiées générant des suppressions de postes … par une baisse relative de la participation (en % inférieure à 2007, la CFE-CGC a refusé de signer pour cette raison) … par le refus de la direction de l’extension progressive du régime de retraite supplémentaire à tous les salariés … par la baisse du plafond global d’abondement PERCO …
Le tout alors que Safran a versé en 2012 160 M€ de dividendes aux fonds anglo-saxons (les fameux retraités américains et anglais !!!).
SAFRAN doit abandonner ce modèle hyper financier et renforcer l’actionnariat salarié
Beaucoup de capitaines d’industrie sont bien conscients de ce problème. Jean-Louis Beffa, ancien PDG de Saint-Gobain, qu’on ne peut taxer de ne pas connaître les réalités de l’industrie, a dit récemment : « On voit que le modèle hyper financier est en train d’échouer. Si on continue dans cette voie, on se fourvoie ».
Alors que l’Etat a annoncé qu’il pourrait continuer à se désengager de Safran, le développement de l’actionnariat salarié est essentiel pour défendre une stratégie de long terme durable. La CFE-CGC demande que la vente des 1,4 millions d’actions aux salariés résultant de la vente de 3% du capital par L’Etat soit faite dans des conditions de prix attractives favorisant le renforcement à long terme de l’actionnariat salarié.
La CFE-CGC aime Safran qui est une très bonne boîte, et elle est très attachée à son avenir. Elle défend la prise de risque industriel qui fait aller de l’avant. Mais, elle refuse la prise de risque financier au bénéfice court terme d’actionnaires à vocation spéculative !